LE VOYAGE À LA JAPONAISE : PARTIR POUR MIEUX REVENIR

L’ultime langage universel : la nourriture.

Entre le Japon et les touristes étrangers, c’est une vraie histoire d’amour ! En 2018, près de 31 millions de touristes sont venus pour découvrir le pays, dont 280 000 Français ! Mais si l’Occident adore le Pays du Soleil Levant, qu’en est-il dans le sens inverse ? Oubliez le cliché des touristes Japonais armés d’appareils photos ! Aujourd’hui nous parcourons le monde à travers leurs yeux et surtout leurs œuvres !

  • « LES JAPONAIS N’AIMENT PAS QUITTER LE JAPON ! »
C’est bien connu, les Japonais restent tranquillement chez eux au lieu de subir les aléas de l’étranger. Eh bien non ! Fin 2018, la JNTO (Japan National Tourism Organization) a estimé que le nombre de Japonais partis à l’étranger s’élevait à près de 17 millions, notant au passage une augmentation de 8,2% par rapport à 2017. Et où va tout ce beau monde ? Chine, Corée du Sud, États-Unis, Australie, Canada, Espagne, France, etc… Pas de jaloux, nos amis Japonais vont partout ! Cet éclectisme se retrouve bien évidemment dans les œuvres artistiques (films, mangas, romans) mais étrangement, le début du voyage se fait presque toujours dans la précipitation !

Dans OH LUCY ! (de Atsuko Hirayanagi) la dépressive et égoïste Setsuko plaque son boulot et le Japon du jour au lendemain pour retrouver l’homme qu’elle aime en Californie. Sans évidemment prendre en compte les sentiments du concerné qui a préféré faire sa vie avec la jolie nièce de Setsuko !

Masato, le héros de LA SAVEUR DES RAMEN (de Eric Khoo) part, lui aussi, précipitamment à Singapour suite au décès de son père, ne prenant même pas la peine de faire son deuil. Il espère, en visitant cette ville, pouvoir reconnecter avec son passé et la famille de sa mère, décédée lorsqu’il était enfant. Pour nos deux héros l’aventure se révèle difficile et leurs certitudes sont mises à mal au cours de leur périple. Les deux films ont tous les deux un rythme lent et une lumière assez froide, donnant aux histoires un réalisme cru. Cependant l’immersion en terre nouvelle n’est pas uniquement synonyme de tourments et le voyage permet à Setsuko et Masato une vraie remise à niveau, aussi bien de la tête que du cœur.

Oublie ton appareil photo et profite du paysage petit curieux !


  • LE VOYAGE : UN RITE INITIATIQUE 
Si la cause du départ est souvent liée à la perte d’un proche, le voyage peut, lui, prendre plusieurs formes narratives ! Il peut devenir fantastique comme dans LES GARDIENS DU LOUVRE (de Jirô Taniguchi) où son héros solitaire parcourt les couloirs du célèbre musée, guidé par les œuvres ayant littéralement pris vie sous ses yeux. Le récit peut aussi devenir philosophique comme dans PARFUM DE GLACE (de Yôko Ogawa) où l’endeuillée Ryoko entreprend un voyage plus spirituel que culturel, afin de comprendre le suicide de son compagnon.

Pas besoin de partir loin, visiter la ville voisine c’est déjà bien !

Cette douleur liée à la perte d’un proche, Ozora, héros de GOODNIGHT, I LOVE YOU (de John Tarachine), la connaît bien. Abandonné par son père et son frère, il perd sa mère adoré à la suite d’un cancer. C’est pour respecter ses dernières volontés que le jeune étudiant, ne sachant pas parler anglais, va parcourir le monde. Le périple prend ici un aspect très comique, agrémenté de réflexions sur les différences sociales entre Japon et Occident, les liens familiaux et même (ce qui est particulièrement amusant !) l’image qu’ont les touristes Japonais à l’étranger ! Si le ton et les conclusions sont différentes, chaque œuvre tend vers un but unique. Le voyage c’est le remède idéal quand on a un cœur à réparer. Quand un héros Japonais part à l’étranger il découvre toujours une meilleure version de lui-même, comme s’il avait laissé sa mue à l’aéroport.


  • PARIS : LA VILLE QUI MARQUE LES ESPRITS
Parce que oui, Cocorico ! tout de même ! Rassurez-vous ! Paris a toujours une excellente réputation auprès des Japonais… qui n’y sont jamais allés ! Effectivement, ceux qui ont pu se rendre sur place ont pu être confrontés à un Paris moins glamour que l’image véhiculée par le cinéma. Comment ! Pas de verre à vin dans chaque main ni de romantisme dans chaque rue ? Si le trait est forcé, le « Syndrome de Paris » est néanmoins une réalité ! Diagnostiqué en 1980 par Hiroaki Ota, psychiatre Japonais, ce syndrome est un trouble psychologique qui touche certains touristes, pouvant même aller jusqu’à l’hospitalisation voire le rapatriement. Paris est dangereuse, prenez garde ! Mais tout n’est pas tout noir et même des Japonais, survivants de ce syndrome peuvent en parler avec beaucoup d’humour.

Extrait de la chaîne Louis-San


Dans son livre NÂÂÂNDE !? (référence à l’interjection de stupéfaction typiquement japonaise), Eriko Nakamura aborde ces petits moments de vie qui la trouble encore en tant que Japonaise, malgré ses dix ans de vie passés dans la capitale. Avec une ironie tendre, l’auteure nous délecte de ses incompréhensions face au monde parisien entre les vendeuses dans les grands magasins qui l’évitent, le métro où les gens ne font rien à part bouder et l’excès de nourriture lors des fêtes de fin d’année ; la vie à la française semble risquée pour les nerfs ! Mais Eriko Nakamura ne manque pas d’écrire aussi sur son pays natal où les conventions parfois trop strictes laissent peu de place à la spontanéité, sauf pour Charles-san, son mari ! Le « Excusez-le, il est français » est mémorable !



Périple échappatoire ou initiatique, quand nous parcourons le monde à travers les yeux des Japonais, c’est surtout leur propre culture que nous découvrons. En posant un regard intransigeant sur leur société, ces héros de fiction nous laissent voir leur pays de manière intimiste ! Et après s’être évadé depuis notre canapé, pourquoi ne pas véritablement tenter l’excursion ?

ŒUVRES CITÉES DANS L’ARTICLE :



 


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